La foresterie urbaine, un outil essentiel dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques!
03 novembre 2016
Auteurs : Philippe Grégoire, chargé de projets en foresterie urbaine et éducation et Gabrielle Lalande, chargée de projets en foresterie urbaine et environnement, tous deux à l’Association forestière des deux rives. Article publié dans l’édition d’automne 2016 du magazine Progrès Forestier.
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Quel été chaud nous venons d’avoir! En effet, juillet 2016 fut le mois le plus chaud des 137 dernières années au niveau planétaire (NOAA, 2016). Outre la chaleur accablante, de nombreux phénomènes climatiques extrêmes ont marqué l’actualité des dernières années. Bien que chacun de ces phénomènes ne puisse être directement relié aux changements climatiques, il y a une tendance nette au réchauffement de l’atmosphère; et celui-ci semble s’accélérer depuis les dernières années… Devant autant de défis, que peut-on faire en foresterie pour lutter contre ce phénomène et s’y adapter? Il ne faut pas oublier que le réchauffement climatique est en grande partie causé par des activités humaines (GIEC, 2007), et que nous nous devons donc d’être partie prenante dans la mise en place de solutions porteuses d’avenir. La foresterie urbaine pourrait être une piste de solution intéressante à envisager. Lire la suite
Lutte aux îlots de chaleur
Un îlot de chaleur urbain (ICU) est une zone urbaine où les températures sont significativement plus élevées que dans les zones avoisinantes. Cette différence de températures maximales diurnes et nocturnes peut être observée entre les milieux urbains et les zones rurales environnantes, mais aussi d’un quartier à l’autre et parfois dans un seul et même secteur (INSPQ, 2010).
L’intensité de cette différence de température peut parfois atteindre les 5 à 12 °C (Lafontaine-Messier, Olivier et Chicoine, 2010). Les ICU sont bien réels dans les zones urbaines très denses, mais sont maintenant présents dans les banlieues, notamment en raison des développements commerciaux de grande surface (INSPQ, 2010). La chaleur accablante peut également induire l’augmentation de la quantité des polluants atmosphériques dans l’air. La conjugaison de ces deux facteurs peut donc avoir de graves incidences sur la santé. En effet, plusieurs données médicales lient les maladies pulmonaires et cardiaques à la mauvaise qualité de l’air, à la chaleur et à la détérioration de l’environnement. À Québec, on estime que la pollution atmosphérique est responsable de plus de 300 décès prématurés par an, soit 6 fois plus que les décès annuels causés par les accidents de la route (Bouchard et Smargiassi, 2008)!
Ces problèmes liés à la chaleur accablante peuvent être atténués en intégrant non seulement la préservation des arbres et des boisés urbains à l’aménagement du territoire, mais aussi en accroissant la forêt urbaine. En effet, la présence de canopée peut diminuer de 5 à 12 °C la température ambiante par rapport à des zones asphaltées ou bétonnées situées à proximité (INSPQ, 2010). En plus de créer des milieux de vie favorables à la santé, les arbres urbains à grand déploiement permettent d’économiser en frais de climatisation.
Le réseautage des alignements d’arbres sur rue et des espaces verts arborés constitue la pierre d’assise d’un concept urbanistique appelé trame verte de proximité. L’attractivité d’une trame verte pour la population peut être accrue par la présence d’une grande biodiversité et l’installation d’aménagements urbains attrayants et conviviaux afin de créer des milieux de vie favorables à la santé et au bien-être. Ces milieux de vie de qualité incitent la population à faire de l’exercice physique.
En outre, la grande attractivité de ces milieux de vie verdis a un effet bénéfique sur la santé mentale de la population en améliorant la cohésion et l’interaction sociales en plus d’avoir un effet direct d’apaisement sur les individus (Otis, et al., 2005; Hartig, et al., 2014; Vida, 2011).
Absorption des gaz à effet de serre
En plus des nombreux avantages liés à la lutte aux ICU, les arbres présents en milieu urbain absorbent de grandes quantités de CO2, un des principaux gaz à effet de serre, grâce à la photosynthèse. Par une réaction chimique bien connue, le CO2 est transformé en glucides. Ces glucides servent de source d’énergie pour que l’arbre puisse assurer sa respiration cellulaire, en plus de favoriser la croissance de ses structures de maintenance, soit les nouvelles feuilles, branches et racines, ainsi que les organes reproducteurs. Ce qui n’est pas utilisé est entreposé sous forme de réserves et sert à augmenter le diamètre de la tige et à synthétiser des composés chimiques de protection. La production de bois de tronc représente environ 20 % de la production totale annuelle de matière sèche (Campagna, 1996).
Bien que cela semble peu, ce n’est pas seulement le tronc qui sert à retirer le carbone de l’atmosphère! En effet, le carbone contenu dans les branches et les feuilles mortes va éventuellement s’intégrer au sol. Peu de données sont actuellement disponibles concernant la séquestration du carbone par les arbres urbains, mais il est estimé, en moyenne, qu’un arbre poussant dans une ville canadienne accumulera 200 kg de carbone en 80 ans. En milieu rural, cela représenterait 225 kg de carbone capté sur la même période de temps (Roulet et Freedman, 2008). Des chercheurs québécois ont calculé qu’une superficie d’un hectare qui serait reboisée avec des épinettes noires, soit près de 2000 arbres plantés, permettrait de séquestrer 280 tonnes de CO2 sur une période de 70 ans (Écoactualité, 2013). Cela équivaut à retirer de la circulation 100 petites voitures qui roulerait chacune 10 000 km par année!
Des projets porteurs de solutions
À l’Association forestière des deux rives, nous mettons déjà en pratique ces différentes solutions. En effet, notre implication dans le projet Milieux de vie en santé, ainsi que nos divers projets de plantation nous permettent de mettre la main à la pâte dans cet effort collectif de lutte et d’adaptation aux changements climatiques.
Milieux de vie en santé
Milieux de vie en santé est un projet d’adaptation aux changements climatiques qui vise à créer des milieux de vie favorables à la santé sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ). L’adoption de bonnes pratiques en matière d’aménagement du territoire aidera à atteindre cet objectif. Nature Québec est l’organisme coordonnateur du projet; un comité directeur l’accompagne dans la prise de décisions et la mise en œuvre. Nature Québec, les AmiEs de la Terre de Québec, l’Association forestière des deux rives, le Conseil régional de l’environnement – Capitale-Nationale, Québec Arbres et Vivre en ville assurent l’atteinte des objectifs, alors que l’Institut national de santé publique du Québec siège sur le comité directeur en tant qu’observateur.
Ce projet se décline en trois objectifs spécifiques :
Procéder à un état des lieux de la forêt urbaine, des aménagements défavorables à la santé et des îlots de chaleur urbains sur le territoire de la CMQ et élaborer une vision 2020-2030 de l’aménagement du territoire, incluant notamment une trame verte de proximité, afin de créer des milieux de vie favorables à la santé publique.
Mobiliser et outiller les acteurs-clés des collectivités (citoyens, promoteurs et municipalités) afin de les inciter à réaliser des actions visant l’amélioration de la qualité de leurs milieux de vie par le maintien et la création d’îlots de fraîcheur.
Accompagner les collectivités dans la conception et la réalisation de projets exemplaires de trames vertes afin d’inspirer les citoyens, d’illustrer les solutions existantes et d’opérer un transfert de connaissances en matière d’aménagement, de verdissement du territoire et de lutte contre les îlots de chaleur (ICU).
Projets de plantation
Depuis 2010, l’AF2R met en œuvre son programme « Service-conseil et plantations d’arbres » dans les régions de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches, grâce à un important don de TD. Le premier volet de ce programme vise la mise en oeuvre d’un service-conseil qui a pour fonction de faciliter la réalisation de projets de distribution et de plantation d’arbres en fournissant de l’aide et des conseils techniques aux différents promoteurs de projets dans la communauté. Le deuxième volet du programme consiste en l’organisation et la réalisation de plantations d’arbres. Les objectifs de ce programme sont de favoriser la qualité et la durabilité des initiatives de plantation d’arbres de la communauté et de reboiser des milieux ruraux et urbains afin d’améliorer la qualité de vie des communautés et l’environnement.
Au printemps 2016, huit plantations ont été réalisées. Ces plantations ont été accomplies en collaboration avec des écoles primaires et secondaires réparties sur le territoire de l’AF2R, ainsi qu’avec des propriétaires privés, autant en milieu rural qu’en milieu urbain. Trois projets de verdissement de cours d’école ont eu lieu, dont un réalisé en deux phases, sur le territoire de la Ville de Québec, de la Ville de Lévis ainsi que dans la municipalité de Saint-Alban. Quatre autres plantations se sont déroulées avec des élèves du primaire et du secondaire. Ces projets visaient la revégétalisation de terrains privés (terres agricoles en friche, sablière et carrière désaffectées).
Deux autres projets ont lieu cet automne. Une première plantation, à laquelle les employés de la succursale de Cap-Rouge de la Banque TD dans la région de Québec sont conviés à participer bénévolement, est notamment réalisée annuellement en septembre à l’occasion de la Journée des arbres TD. De plus, un projet de restauration écologique du Boisé de l’Abbaye, terrain acquis par la raffinerie Jean-Gaulin | Énergie Valero dans le but de créer une ceinture verte autour de la raffinerie Jean-Gaulin de Lévis, est en cours depuis 2014 : 3000 arbres y sont plantés chaque année.
Chacun doit s’y mettre!
Des projets intégrant la communauté vers la lutte et l’adaptation aux changements climatiques peuvent prendre différentes formes. Ceux mis de l’avant par l’AF2R ne sont que des exemples parmi tant d’autres… À vous de vous laisser inspirer par ceux-ci ou par d’autres initiatives tout aussi porteuses de solutions et d’embarquer dans la vague du changement vers un avenir plus vert!
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Auteurs : Philippe Grégoire, chargé de projets en foresterie urbaine et éducation et Gabrielle Lalande, chargée de projets en foresterie urbaine et environnement. Association forestière des deux rives.
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RÉFÉRENCES
BOUCHARD, Maryse et Audrey SMARGIASSI. (2008). Estimation des impacts sanitaires de la pollution atmosphérique au Québec : Essai d’utilisation du Air Quality Benefits Assessment Tool (AQBAT) INSPQ, 59 pages
CAMPAGNA, Michel (1996). Le cycle du carbone et la forêt : de la photosynthèse aux produits forestiers. Direction de l’environnement forestier. Service de l’évaluation environnementale. 56 p.
Écoactualité (2013). Compensez vos émissions de gaz à effet de serre (GES) par la plantation d’arbres grâce au projet Carbone boréal. [en ligne] http://www.ecoactualite.com/2013/03/compensation-empreinte-carbone-boreal.html. Page consultée le 28 août 2016.
GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) (2007). Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Genève, GIEC, 114 p.
HARTIG, Terry, Richard MITCHELLE, Sjerp de VRIES et Howard FRUMKIN. (2014). Nature and Health. Annual Review of Public Health, vol. 35 (mars), p. 207-228
Institut national de santé publique (INSPQ). (2010). Îlots de chaleur urbains. Mon climat, ma santé. [en ligne] http://www.monclimatmasante.qc.ca/%C3%AElots-de-chaleur.aspx
National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). (2016). July was hottest month on record for the globe. [en ligne] http://www.noaa.gov/news/july-was-hottest-month-on-record-for-globe. Page consulté le 28 août 2016.
LAFONTAINE-MESSIER, Mariève, Alain OLIVIER et Bruno CHICOINE. (2010). « La contribution potentielle de la forêt urbaine au développement durable des villes du Québec ». Les Cahiers de l’Institut EDS, Série Stratégies du développement durable, numéro 1 (février), p.1-30.
OTIS, Lyne, Carl CLÉMENTS, Diane BOUDREAULT et Silvio MANFREDI. (2005). Aménageons nos milieux de vie pour nous donner le goût de bouger pour une meilleure qualité de vie. Kino Québec, 34 pages
ROULET, Nigel T. et Bill FREEDMAN (2008). Le rôle des arbres dans la réduction du CO2 dans l’atmosphère. Arbres Canada. 14 p.
VIDA, Stephen. (2011). Les espaces verts et la santé. INSPQ, 14 pages
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